je ne suis pas naturellement une bonne personne

Je ne suis fondamentalement pas une bonne personne. Ce n'est pas par vertu ni naturellement que je pose chaque jour les gestes appropriés, que je dis les mots qui font du bien et qui sont nécessaires, que mes pensées sont constructives et tournées vers la vie. Tout cela, je le fais parce que je veux sauver ma vie, sauver mon âme, avoir un minimum de qualité de vie et ne pas consommer. Mon âme n'est pas pure. Sans mode de vie spirituel je sombre dans le ressentiment, l'égoïsme, la peur des autres et l'auto-destruction. Ma vie me semble sans valeur aucune, et je sombre dans l'apitoiement et la victimisation. La dépression guette, et rapidement je me retrouve sur un chemin de mort. Si je n'ai pas un mode de vie spirituel et que je m'isole des autres êtres humains qui partagent ma condition (alcoolique-toxicomane en rétablissement) et que je ne fais pas de meeting, je suis en danger, pour moi-même et pour les autres. Il y a toujours une épée de Damoclès au-dessus de ma tête. Celle de me rappeler que si je ne fais pas ce que j'ai à faire pour sauver mon âme et entretenir un mode de vie spirituel je suis en danger. Si je suis malheureuse, je suis dangereuse, pour moi et pour les autres. L'amour ne me traverse plus, et je ne me laisse plus traverser par l'amour. Je vois le mal partout. Je me sens sale et je sens que les autres sont sales et repoussants. Durant le temps des fêtes, j'ai expérimenté encore une fois la folie de l'ego surpuissant qui ne désire avec frénésie que l'accomplissement de pulsions individualistes, égoïstes, sans-coeur, tournées exclusivement vers soi-même. Il m'a semblé que j'avais le droit d'être à même d'accomplir mes desseins, sans que quiconque n'intervienne pour me mettre de bâtons dans les roues. Il m'a semblé que les autres êtres humains n'étaient que des ennemis potentiels, des empêcheurs de tourner en rond à mettre de côté afin que je puisse souffler un peu et réaliser mes rêves narcissiques d'auto-suffisance absolue. Mon fantasme absolu lorsque je suis sur un chemin de mort: l'auto-suffisance absolue, ou le sentiment que d'être seule sur mon île correspond à l'image absolue de félicité terrestre, et que tout ce qui n'y ressemble pas ou m'empêche de l'imaginer possible est un drame absolu, une injustice inconvenante et inappropriée. Je connais des gens qui sont fondamentalement bons. C'est-à-dire qui n'ont pas l'égoïsme facile. Qui se félicitent d'être en vie, et qui amènent dans leur sillage tous ceux qui voudraient bien les suivre afin d'en proclamer la félicité. Qui ont le coeur sur la main. Qui sont calmes et pondérés dans leur façon d'aimer et d'être aimés. Qui se partagent, se démultiplient, se donnent. Qui n'ont pas peur des autres et ne calculent rien. Qui sont simples et n'ont pas d'agenda caché. Qui croient en l'amour, au pardon, au don de soi, et qui sont sincères. Qui voient le bon chez les autres, qui ignorent le mal. D'abord et avant tout, j'aspire à ne pas consommer, et à ne pas mourir. Pour cela, je pose les gestes nécessaires et passe à l'action. Cela ne fait pas de moi une personne fondamentalement bonne. Ça fait de moi une personne qui ne veut pas mourir de sa maladie.

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