être ou ne pas être.... une bonne mère
La petite n'a pas couché à la maison ni cette nuit ni la nuit d'avant; ce matin, je l'ai entendu entrer dans l'appartement, se faire un bol de céréales, prendre une douche et repartir. Je ne pense pas la voir aujourd'hui. Sa chambre vide est épeurante. Elle est plus vide que le vide lui-même, et me renvoie à mon sort, sans message ni réponse ni réconfort. Quoi de plus banal qu'une fille qui boude sa mère. Quoi de plus banal qu'une mère qui se sent coupable, qui se sent seule dans son petit drame de mère, enroulée sur son ventre de mère. C'est tellement difficile de savoir quel genre de mère on veut être, quel genre d'être humain on veut être. Les possibilités sont infinies, la marge d'erreur, elle, est petite. Les mauvaises mères sont les empêcheuses de tourner en rond de l'Histoire, tout le monde le sait. Une pression énorme repose sur leurs épaules, les pères, eux, on veut les comprendre, les séduire, les surmonter, les respecter et les aimer. Les mères sont siphonnées jusqu'à l'os par leur progéniture adorée. La mère pur amour, pure abnégation. Pas de salut pour la pauvre mère épuisée qui aurait envie d'être autre chose que la chose de ses enfants en mal de bouffe, de soutien, d'amour inconditionnel, d'argent, de ménage, de courses, de sacs remplis de nourriture, de réconfort moral, de silences approbateurs, de dévouement et de résignation, jusqu'à ce qu'il y ait plus de jus qui reste. La mère sacrifiée sur l'autel de la bienheureuse maternité, le sein lourd et le regard perdu dans les tréfonds de l'univers. Je n'arrête pas de penser aux derniers mois avec ma fille, à mon comportement, mes exigences, ses réactions, cela tourbillonne dans ma tête sans cesse: il n'y a pas de portrait englobant de cette réalité de notre vie ensemble qui pourrait me renseigner exactement sur ce qui s'est passé, sur ce que nous aurions pu envisager ensemble. Les traces et autres résidus qui collent à l'âme résistent à toute forme d'analyse rationnelle. je ne vois qu'une mère qui essaie de demander des choses sans les obtenir, et une fille en réaction. Une mère qui est dégoûtée des regards de dégoût de sa fille sur elle. Une mère qui n'a donné que ce qu'elle avait, et une fille qui aurait aimé certainement être aimée de façon différente, par une mère différente peut-être. Une fille qui est encore une enfant, un pied dans l'irréalité du monde des adultes, qui est à construire. Je crois que les enfants doivent partir du domicile familial lorsque les parents ne peuvent plus être des parents mais seulement des punching bags pour leurs enfants. C'est peut-être ça mais je n'y crois pas. Non, le parent doit résister, rester fort, tenir le cap, garder la tête froide, commander le respect, et fermer sa gueule la plupart du temps. Quand je parle de parents ici, je parle des mères parce que les pères, je m'en crisse (...). Une foutue petite giclée des familles, et s'en est allé (...).
(...)
Ma fille est revenue tantôt. Elle m'a donné sa petite partie de loyer en cash (une fraction symbolique) pour février. Donc, elle ne part pas tout de suite. C'est super. Oui, c'est mieux comme ça. Juste prendre note de cela, et ne penser à rien. Mais, bien sûr, aller faire les courses (frigo vide), remplir à pleine capacité le sac à dos et le cabas, faire le ménage, torcher....etc. Maudit que je suis une bonne mère.
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