voyager seule dorénavant

Le dernier voyage que j'ai fait était à Paris en juin dernier avec un ami, membre des Alcooliques Anonymes, et cela a été difficile d'apprécier les moments passés là-bas. L'ami en question est un homme de 67 ans, bien dans sa peau et heureux, jovial, généreux, etc., un bon membre AA mais qui, en voyage, dans cette espèce d'intimité créée par les nécessaires repas pris ensemble, les promenades et les visites, etc., m'a rendue complètement zinzin. Au bout de 3 jours, je n'étais plus capable de le regarder en face ni de l'écouter. La petite bouche rentrée, obscène, qui engouffre la nourriture...le visage défiguré par la fatigue qu'il n'avouera jamais éprouver même sous la torture....les discours insipides, creux, imbéciles, sur les merveilles qui nous entouraient...et la magie qui disparaissait à tous les coups...la cigarette électronique happée et suçotée éperdument, avec un visage vidé de toute expression...les discours plates, inintelligibles, tenus avec les serveurs de restaurant et autres vendeurs...la médiocrité des pensées, le flot infini des clichés, tous plus niais les uns que les autres...  Je me suis remontée le moral en me disant que cela avait été une expérience, et que cela ne se reproduirait plus, tout simplement, que ce n'était pas tragique et qu'il n'y avait pas mort d'homme. De même, le quartier St-Germain-des-Prés s'est tellement transformé au gré des années que le charme de ce quartier mythique n'existe plus à mon avis. Juste à côté de l'ancienne résidence de Marguerite Duras, rue St-Benoît, il y a un énorme magasin Louis-Vuitton. C'est un peu déstabilisant. Le café de Flore, les Deux Magots, le Dôme, même chose. Il n'y plus d'esprit, seulement du commerce. Mais Paris restera toujours Paris, quand même, même si je n'y retournerai probablement plus jamais. Paris sera dans les livres. Comme peut-être aurait-elle dû rester. Ma prochaine destination pourrait être Venise, où je suis allée une journée seulement (lors d'un voyage organisé il y a 3 ans avec ma fille). J'aimerais y retourner et y passer une belle semaine, peut-être ce printemps, seule, et résider dans un hôtel qu'aurait pu choisir Annie Ernaux, une de mes auteures préférées qui a toujours adoré Venise. Je n'ai jamais voyagé seule, Annie Ernaux oui. Suis-je condamnée à faire tous mes trucs seule, dorénavant, parce que j'estime que personne n'est à la hauteur? Est-ce ainsi que Madame Ernaux envisageait les choses?

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