l'angoisse du samedi matin

L'angoisse du samedi matin. Je ne sais pas d'où ça vient, mais ça se dissipe normalement durant la journée, tranquillement pas vite. C'est comme s'il fallait que j'entreprenne un maximum de choses en un minimum de temps afin d'avoir le sentiment de mériter vraiment mon congé, lorsque tout devient possible (ce rêve de toujours) parce que je ne vais pas travailler. Il y a toujours des choses à faire, ce qui, dans mon cerveau procrastinateur, me permet de négliger, dans la culpabilité, les vraies choses importantes que je pourrais faire mais que je remets à plus tard par manque de conviction ou de courage. Des courses, du ménage, de la bouffe à préparer. Rien que des trucs emmerdants lorsqu'on est obligé de les faire. Qui peuvent être le fun s'il n'y a pas de pression. Je ne veux pas perdre ma journée, alors je gigote et je me mets en mouvement sans trop savoir où je m'en vais pour me débarrasser des contraintes (réelles ou imaginaires) m'empêchant de réaliser l'essentiel. Si je n'ai rien d'absolument nécessaire à faire, c'est cet espèce de désert, cette plage blanche horaire de 48 heures qui me fait sentir que, encore une fois, je n'ai pas de projet sérieux dans la vie, rien de réellement significatif que seule moi-même pourrait réaliser, rien de créatif, de personnel, qui ne ressort ni du travail, ni des obligations domestiques. Alors, pour ne pas me sentir inutile, pour ne pas sentir que je n'ai pas de vision ou d'imagination ou de courage, je m'invente des activités supposément utiles, me faire faire un tatouage, aller chez la coiffeuse, me faire une teinture, passer une heure à la pharmacie à la recherche de crèmes de beauté miraculeuses et pas chères, laver le plancher, ou le frigo, ou la salle de bain, faire du lavage, poser des rideaux, etc. Toutes choses qui me donnent une satisfaction immédiate et me font oublier temporairement que je n'ai pas de but dans l'existence, que je n'ai pas de vraie passion, que le temps passe et que rien de significatif ne se passe. Alors je me dis: je rate peut-être l'essentiel, mais au moins mon appartement est propre, mes choses sont à jour, je suis fonctionnelle, je n'ai pas tout raté. Mes samedis matin d'angoisse tournent toujours sur le même thème de l'essentiel et du futile dans ma vie. Le futile l'emporte toujours. C'est ainsi que, de jour en jour, par ces gestes posés ou non, un destin se met en place. Sur ma pierre tombale sera écrit: "Elle voulait être Annie Ernaux, mais elle a préféré laver la cuvette des toilettes".

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