adulescence

Ma fille est revenue à la maison hier pm, après une semaine (négociée avec elle fermement) chez son père. Elle est revenue en fait un jour plus tôt que prévu, et cela m'a vraiment énervée, mais, comme d'habitude, j'en encaissé (ai-je le choix, et que puis-je faire d'autre, elle est grippée, c'est quand même ma fille, etc.). Hier soir, il m'est apparu clair que la petite (elle a 20 ans) bénéficie d'une situation très confortable ici avec moi, genre Tanguy, et je ne sais pas si cela est bénéfique concernant sa motivation à bûcher dans ses études, à donner son maximum afin d'acquérir son indépendance avant ses 30 ans, genre. Elle est en train de faire son premier baccalauréat, et un autre suivra sans doute (elle essaie de performer le plus possible afin de pouvoir entrer dans un programme contingenté (médecine dentaire), et, si ça se trouve, elle sera avec moi pour encore au moins 5 ans...ce qui m'apparaît absolument inenvisageable. Elle ne supporte pas son père, le trouve contraignant et moralisateur, il vit en dehors des grands centres, etc., et cela m'emmerde, parce qu'en étant ce que je suis, il semble que cela plaise infiniment à ma fille... En étant ce que je suis et en ayant fait les choix de vie que j'ai fait (je suis célibataire-divorcée, propre, ordonnée, méticuleuse, respectueuse de l'autre et de ses rythmes, jamais de questions, frigo plein, pas de courses ni de ménage à faire, appartement confortable et mignon dans un très joli quartier de Montréal, près du métro, près du centre-ville, près de l'université, la petite a une chambre superbe qui donne sur un très grand patio ombragé par un arbre mature, où je n'ai, genre, pas le droit d'y mettre les pieds, etc.), il serait étonnant qu'elle souhaite un ailleurs, sans garantie de confort, sans garantie du réconfort d'être chez sa petite maman chérie. Je ne me vois pas lui mettre des bâtons dans les roues afin de lui donner l'idée de déguerpir. En fait, concrètement, la cohabitation ne se passe pas si mal. Elle ne fait pratiquement jamais rien du premier coup et toujours d'un air désespéré les petites choses insignifiantes que je lui demande. Mais à force de la travailler, de lui répéter, etc., ça finit par entrer (mais pas toujours).  Elle est autonome dans ses affaires, elle fait ses trucs et réussit. Elle a un emploi d'été et s'organise pour ses impôts et diverses autres paperasses administratives. Je n'ai pas à la surveiller sans cesse du coin de l'oeil afin de m'assurer qu'elle ne manque pas à ses obligations. Elle fait ses trucs. Elle n'est pas ordonnée, elle n'est pas méticuleuse, elle est toujours à la dernière minute, elle n'a pas le sens du beau et engouffre la nourriture pour ne pas mourir de faim, sans cesse la tête dans le frigo (20 fois par jour). Elle ne cuisine pas, ne finit jamais les restes (il reste une quantité infinitésimale de nourriture dans un plat, elle le remet dans le frigo pour ne pas à avoir à le laver), elle prend, elle engouffre, et puis c'est tout. Elle ne donne pas. Elle prend et elle siphonne (c'est une enfant). Mais elle est qui elle est et c'est parfait comme ça. Rien à dire là-dessus. Ce qui m'emmerde, c'est qu'elle ne trouve jamais ailleurs ce qu'elle trouve ici (ce qui pourrait me donner une grande fierté mais ce n'est pas le cas), et je ne vois pas le jour où je pourrai enfin me dire: "Voilà, ma job de maman est terminée, la petite est en train d'acquérir son autonomie et son indépendance, et je peux vivre ma vie de FEMME". Vivre avec une enfant de 20 ans, c'est vivre avec une personne qui est notre enfant (avec tout ce que cela implique d'amour et d'abnégation et de discipline et de clairvoyance, etc.), et qui réclame tous les avantages de l'âge adulte (liberté) sans vouloir assumer les inconvénients (responsabilités), qui veut aussi tous les avantages de l'enfance (liberté) sans en assumer les nécessaires inconvénients (discipline, contraintes diverses). C'est ingrat, et difficile de vivre avec un "adulescent". J'en ai juste ma claque de jouer à la mère, de demander à l'enfant qui n'en est plus une de faire des trucs ou de ne pas faire des trucs, etc., j'aimerais juste passer à un autre appel.