hit
Vendredi de Pâques. Congé. Pré-ménopause activée. Avec humeur aride, acrimonieuse. Cela a commencé hier matin, et c'est là encore, je le sens. J'ai 47 ans. C'est normal. Je suis en fin de fécondité. La jeunesse me quitte. Je le sens insidieusement à l'intérieur de moi. Ça ne lâche pas. Ou plutôt toutes sortes de choses lâchent et il ne reste que les gestes et les pensées et les paroles de la vie mille fois répétés, sans saveur de nouveauté et de beauté. C'est le temps des feuilles mortes de la vie. C'est quand tout semble avoir été vécu mille fois et qu'il n'y a plus de surprise. C'est quand il n'y a plus cette sensation d'avoir le coeur en émoi. Le coeur ne palpite plus de la même façon. Ça ne claque pas.
Parfois j'ai un flash de jeunesse. Je ne sais pas comment le dire autrement. C'est une sensation fugace d'une incommensurable puissance, d'une incommensurable beauté poignante, c'est comme si tout d'un coup, sans que rien ne l'ait préparé, il y a ce saisissement, comme lié à un émoi amoureux, de perdition dans la beauté ou dans l'instant ou dans le besoin irrépressible de prendre et d'être prise, d'être engagée furieusement dans ce qui est donné à voir et à ressentir. Cela pourrait s'apparenter à un orgasme cérébral ou émotionnel. C'est une forme d'ébahissement, de saisissement de l'âme qui survient, et qui s'échappe dès que je le ressens. Hier j'étais sur mon bike en direction de la maison après ma journée de travail. Il y a un jeune d'une vingtaine d'année qui a traversé la rue alors que j'attendais à la lumière rouge. J'ai eu un flash. Douloureusement, impulsivement, j'ai senti en moi une faim incommensurable pour cet individu qui ne représente absolument pas ce que j'aime généralement chez un homme, loin de là*. Sa présence a induit chez moi une émotion extrême, énigmatique, liée à l'envie de vivre quelque chose de fort, quelque chose d'extrêmement puissant, liée à l'extase et ne pouvant se terminer que par la mort genre. Quelque chose de si fort qu'il ne peux se vivre qu'en se terminant dans l'anéantissement, comme un hit de coke ou d'héroïne sépulcral. Cela n'a duré que quelques secondes. J'aurais voulu que cela ne se termine jamais. J'ai vécu là quelque chose de si fort que cela m'a laissée pantelante et affamée. Ensuite, comme après un hit de coke ou d'héroïne, je me suis sentie vidée de toute substance. Vieille et perdue dans mes vieux organes et mon vieux squelette et mon vieux sexe et mes vieilles pensées, le monde tout autour est redevenue sec et sale, et j'ai continué ma route.
* mélange de Lucca Rocco Magnotta et du Kevin du livre "il faut qu'on parle de Kevin" de l'auteur Lionel Shriver....
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