le luxe d'être malheureuse

Hier la journée a été triste et lourde. Je n'ai vu ni parlé à personne sauf quelques mots à ma fille lorsqu'elle apparaissait dans mon champ de vision. J'y suis habituée, c'est comme ça que j'apprécie en général mes week-ends (cela n'a pas toujours été comme cela ce besoin de paix absolue) et ma fille étudie, c'est normal qu'elle soit tranquille dans sa chambre. Cela n'a rien à voir avec la solitude. C'est cette espèce d'incertitude pour l'avenir avec ma fille (probablement sans ma fille), et toutes ces choses qui se sont produites et qui ne se sont pas produites avec elle, le rendez-vous manqué mère-fille genre, etc. Je suis triste, triste de ne pas pouvoir donner davantage, triste de ne pas recevoir davantage. Triste qu'elle n'ait tellement pas voulu changer ses comportements que sa seule issue est de foutre le camp, et triste parce que je n'ai pas réussi à lui faire sentir que ce que je lui demandais n'était pas la fin du monde, que ce n'était pas contre elle mais pour nous et qu'elle n'ait pas pu ou voulu s'investir davantage. Je n'ai pas envie de l'inviter au restaurant, de lui faire plein de bouffe, de la gâter afin d'obtenir d'elle des bons sentiments et des bons gestes, des miettes d'amour; il me semble que ça serait faux et je déteste ce genre de manipulation, mais en serait-ce? (tout le monde fait ça) Je fais ce que j'ai à faire pour faire "tourner la maison" et c'est tout. Je sens que je n'ai plus de jus, que je n'ai plus grand-chose à donner, est-ce ça baisser les bras? Suis-je en train réellement d'abandonner ma fille parce qu'elle n'est pas ce que j'aurais voulu qu'elle soit? Une enfant devenue adulte et qui n'est pas sur la même planète que sa mère et n'investit pas un gramme d'elle-même dans la "relation", est-ce si anormal que cela? Je n'ai pas d'exemple sous la main de la façon la plus réaliste et la plus humaine de gérer la situation. J'en parle autour de moi, c'est vrai, mais cela ne me donne pas de recette magique. Je sais que je fais ce que j'ai à faire (la petite ne manque de rien), mais est-ce assez? La petite a-t-elle découvert que sa mère est peu généreuse de sa personne, et en ce sens a transformé son caractère afin de ne rien avoir à demander, et de ne rien donner, parce que cela ne changerait rien, ou parce qu'elle m'en veut? Ai-je tort? Suis-je coupable de quelque chose? Pourrais-je faire mieux? Et si oui, quoi? Je vais méditer (encore) sur cela aujourd'hui. À moins que je ne me contente d'aller à la bibliothèque et de prendre plein de magazines ("Elle" français) et une couple de bouquins. Aller prendre de l'air. Me réjouir d'avoir la santé qui me permet le luxe d'être malheureuse alors que certaines personnes sont dans la survie et ne peuvent rien pour leur enfant, trop occupées à souffrir ou à mourir.

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