je vis sur du temps emprunté

Dans AA on entend souvent des membres dire: "Je vis sur du temps emprunté". Je trouve ça beau. Et puis je me suis demandée ce que ça voulait dire réellement et j'ai été surprise de constater que c'est du temps emprunté à la mort. Voler la mort. Lui refuser son cadavre. Et de conclure un espèce de pacte avec la vie, celui de l'accepter comme elle est et de lui donner l'ensemble de son être en ne le dégradant plus. C'est tout à fait cela. Et ça marche. L'important c'est de vouloir y croire. Croire que sa vie est un plus, qu'elle vaut la peine. Malgré les erreurs du passé et la dégradation morale et physique qu'on a plus s'infliger et les agressions que l'on a pu perpétrer contre nos semblables, les victimes de notre maladie, qui ont été souvent les personnes qui nous ont le plus aimé, et se permettre de croire que des fleurs peuvent pousser sur les ruines de son histoire passée. L'alcoolisme est une maladie qui, à son paroxysme, broie tout sur son passage. Il tue l'amour et la vie. Je sais ce que c'est. Aujourd'hui, j'ai un programme spirituel qui m'appartient en propre parce que je l'ai intégré à ma vie et à mon état. Il donne autant de résultats qu'on veut en obtenir. Il porte des fruits féconds et prodigieux. Il est source d'une intense lumière de rédemption. Je considère que le programme des 12 Étapes des AA est révolutionnaire et pourrait mériter le prix Nobel de la Paix au même titre que la Croix-Rouge et Médecins sans frontière. Toutes les étapes des AA sont importantes. Celle à laquelle je me raccroche comme à une bouée de sauvetage lorsque la vie est plus difficile pour moi est la troisième étape: "Nous avons décidé de confier notre volonté et notre vie aux soins de Dieu tel que nous Le concevons". C'est un acte de foi, mais qui amène à l'action. Une action positive. Elle me permet de me ramener à l'essentiel: ce n'est pas moi qui mène la barque. C'est Dieu.
Hier a été une bonne journée pour moi, je ne me suis pas sentie entraînée vers le fond, avec une pierre dans le coeur. Cela a été plus léger. J'ai pensé à ce qui arrive avec ma petite d'une autre façon. J'ai réussi à l'exprimer de vive voix à ma collègue de travail et cela était plein de bon sens. J'ai réalisé qu'elle est dans un processus de détachement sain et normal. Que ce détachement doit se faire afin qu'elle arrive à quitter définitivement l'enfance et plonger dans sa propre vie. Elle est prête, cela se démontre dans ses gestes qui sont ceux d'une adulte qui veut faire les choses à sa manière, et vivre ses choses de façon autonome et indépendante, sans demander la permission à quiconque, surtout pas sa mère. Le mieux que je puisse faire: être là sans juger, et, surtout, ne pas me sentir blessée ou mortifiée à chaque fois qu'elle ouvre la bouche ou manifeste d'une façon ou d'une autre son envie ou son besoin de faire les choses différemment, même si elle fait cela de façon maladroite. Accepter qu'elle soit ce qu'elle n'était pas hier, ce qu'elle ne sera pas demain, dans une progression ou un chemin qui n'est pas le mien.

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