l'alcoolisme vu par une alcoolique en rétablissement
On dit que la maladie de l'alcoolisme est la maladie des émotions. Je l'entend souvent dire dans les meetings AA par ses membres. On dit aussi que la maladie est 15% dans la bouteille, 85% dans les émotions. Que pour l'alcoolique, le ressentiment est l'ennemi no 1 est que l'orgueil couvre ou justifie les défauts de caractère qui peuvent le tuer s'il ne s'en occupe pas de façon honnête. Et que cette honnêteté est essentielle au rétablissement. Que l'important d'abord, pour un alcoolique en rétablissement, c'est sa maladie principale, qui est l'alcoolisme. L'alcoolique qui oublie sa maladie risque de ne pas prendre soin de sa santé mentale, physique et de son lien avec une puissance supérieure: il est en danger de mort. Pourquoi de mort. Parce que l'alcoolisme est une maladie qui mène à la folie, à la prison ou à la morgue. L'humilité et la gratitude ne sont pas pris pour des faiblesses de caractère, au contraire, ils sont les piliers sur lesquels vont se bâtir une vie heureuse et sereine, sans alcool ou autre substance qui gèle. La pratique de l'humilité et la gratitude pour dégonfler l'ego malade de l'alcoolique, qui, s'il ne pratique pas ces qualités, et je dis bien "pratiquer" parce que ce ne sont pas des caractéristiques naturelles chez l'alcoolique en général, et bien, il est en danger de fanfaronner, de palabrer, de se croire et de retomber dans la croyance erronée qu'il est en contrôle; le rétablissement et le contrôle ou l'idée de contrôle sont absolument incompatibles. L'ego de l'alcoolique qui se croit en contrôle oublie la puissance et la dangerosité de sa maladie qui en premier lieu se joue au niveau mental. Il se met à se croire, et de fil en aiguille recommence à vouloir gérer la vie, le temps, le soleil, la lune, la pluie, les autres (surtout les autres), et durant ce temps-là la maladie fait des push-ups. À la moindre contrariété, au moindre coup dur, et même pour des raisons de sociabilité ou pour toute autre raison jugée légitime, l'alcoolique va prendre son premier verre pour relaxer, pour faire comme les autres, parce qu'il a le droit, parce qu'il a oublié l'intensité de son addiction et le voilà revenu à la case départ, dans l'activation de la maladie, dans le "tout ou rien" qui est un trait caractéristique de l'alcoolique. Et c'est le danger de s'enfoncer davantage, dans une rechute qui n'annonce rien de bon pour l'alcoolique et ses proches. Certains meurent, d'autres partent et ne reviennent pas, certains reviennent, complètement détériorés, à ramasser à la petite cuillère. La rechute: ma pire peur. La base et les fondements de ma vie tournent autour du rétablissement. Je n'ai aucune raison de croire que je suis meilleure que les autres et que je peux contrôler ma vie et ma consommation. J'ai essayé d'arrêter de consommer par mes propres moyens: une impossibilité complète. Une vie misérable, sans sens et sans orientation, et un combat perpétuel entre moi et l'alcool, ce cocon si attrayant à prime abord, mais qui mène dans mon cas aux black-out, à la perte de mes inhibitions, de ma raison, aux comportements dangereux pour moi et pour les autres, à la dépression et au glissement vers des idées suicidaires. Rien d'attrayant ni de gérable. Aujourd'hui, je ne craindrai pas la vie comme elle est avec ses défis et ses joies et ses gouffres, et ferai ce que j'ai à faire, du mieux que je peux, parce que le reste ne m'appartient pas, n'est pas de mon ressort. Je ne subirai pas la vie et les autres mais traverserai des moments, à chaque instant, dans le réel, même si c'est dur et que cela ne me plait pas.
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