apitoiement extrême
Enfin samedi. Je viens de lire mon journal La Presse hebdomadaire. Ce que je lis, ce que je constate: les êtres humains sont en lutte pour le pouvoir, et cela ne changera pas demain matin. Je suis pareille, à mon microscopique niveau: je veux sauver mes fesses, garantir mon confort, mes acquis. J'aimerais que rien ne change, et que je reste en santé, en vie, avec de l'argent, de l'aisance, le confort, le réconfort des autres gens bienveillants à mon égard, ne pas travailler trop fort, ne pas être dérangée, ne pas être contestée, ne pas virer dingue et bien dormir la nuit, malgré les malgré. Je veux mon petit confort bien sécurisant, et les autres, qu'ils recherchent ce même confort, avec les mêmes efforts que j'y mets, s'ils veulent ce que j'ai, s'ils veulent ce que je veux aussi. Je prends mon petit chemin de vie et suis contente de rester en vie et de ne pas trop m'accrocher aux différents obstacles qui parsèment ma route et je veux bien dormir la nuit. Je veux respirer de l'air pur et aller à la campagne et voir du vert et jouir des belles choses qui existent encore, mais je répugne à remplir mon bac de recyclage comme du monde, trop difficile et contraignant et c'est sale. J'ai une vision unique, celle de me petite personne, celle de ma petite vie, de mon petit corps refait et de ma petite face nette et de mes cheveux bien peignés et bien lustrés qui sentent les fleurs. J'ai de la difficulté à concevoir que je puisse, dans ma vie de tous les jours, rechercher ardemment à satisfaire autre chose que mes propres besoins. Il semble que je n'aie pas assez de 24 heures pour y arriver. Il semble que j'ai assez à gérer comme cela. Je suis fatiguée juste à faire cela. Je peux pas plus. Comment ferais-je. Lorsque je lis le journal, je me rends compte que je suis comme les autres, à mon niveau microscopique. Je veux mon bonheur, et tant pis pour les autres. Je n'ai pas le temps de m'occuper des autres. C'est moi ou eux. C'est mathématique. Je me plains sans cesse, et je capote avec ma fille, et les choses ne sont pas ce qu'elles devraient être, et je ne fais pas assez d'argent et je travaille fort. Et je suis menstruée, je baigne dans mon sang depuis 3 jours quel malheur je pue. Quelle pauvre femme je suis. En quête de spirituel, en quête de trucs pour aménager sa vie de façon plus sereine et plus confortable et plus joyeuse, et un jour je serai morte et enterrée et oubliée et je n'aurai fait que passer et jouir au maximum de ce que la vie terrestre pouvait m'offrir sans rien donner en retour et n'ayant passé sa vie qu'à échafauder des plans pour s'offrir le luxe de ne penser qu'à moi et mon petit confort dans mon fauteuil de lecture et oublier tout ce qui me dérange, les gens que je ne comprends pas avec leurs agendas cachés et leur beauté et leur égoïsme et leur imbécilité, les choses qui me dépassent auxquelles je ne comprends rien ou que je comprends trop, le temps qui passe vite et ma peau qui s'affaisse et me jeunesse derrière moi déjà. Je suis à peu près comme tout le monde. Du monde bien ordinaire avec des objectifs bien ordinaires qui poursuivent des buts bien ordinaires et qui frissonnent d'horreur à lire leur journal du samedi matin en constatant que les horreurs se poursuivent et que c'est toujours différent et toujours pareil et ça fait peur qu'est-ce que j'y peux il faut que je me prépare pour la semaine de travail qui s'en vient je dois aller faire les courses j'ai besoin de viande et de légumes de farine sans gluten ça fait trois jours que je n'ai pas vu ma fille j'ai mal au ventre à la tête je suis constipée il faut que je me cherche un autre appart qu'est-ce que je vais devenir etc.
Commentaires
Enregistrer un commentaire