être une femme qui veillit

J'ai vraiment peur de vieillir. Déjà qu'à 47 ans je mets le paquet...avec le botox et le dysport, les agents de comblement, le rétynol, les AHA, les sérums anti-oxydants, la protection solaire maximale en tout temps, l'hydratation optimale, le maquillage soigneusement calibré. Qu'est-ce que je vais faire à 50 ans, à 60 ans, à 70 ans? Dépenser encore plus d'argent pour des résultats moyennement appréciables? J'ai encore des belles formes, mais la peau est molle et elle commence à tacher. On ne me regarde pas dans la rue, ou à peine. Ça fait un bail qu'on ne se retourne plus sur mon passage. Dans la vingtaine et la trentaine, ça arrivait constamment. Je trouvais ça ridicule et fatiguant. Aujourd'hui, je rêve que cela arrive encore une fois avant que je crève. 

Le fait de vieillir est désagréable parce que les autres nous renvoient l'image d'une transparence, d'une non-existence. Ça fait longtemps que je ne vis plus à travers le regard des autres mais à force, la sensation de n'être qu'un fantôme dans la ville a des conséquences. La fracture violente entre avoir été une très jolie femme admirée et voulue et la translucidité complète est consternant et démoralisant même. C'est comme si je n'existais plus (...). Et, il y a aussi que mon discours, compte tenu de mon apparence, semble n'avoir plus la portée qu'il avait. On assimile le fond et la forme. Parce que j'ai des rides et que ma peau pend, mes idées seraient molles et sans consistance, dépassées, à prendre avec un grain de sel. Heureusement, dans AA, on admire beaucoup les vieilles et les vieux qui ont du vécu et savent gérer la souffrance (...). On met sur un piédestal les vieilles et les vieux alcooliques qui ne consomment plus, qui acceptent de vivre leur vie de vieux sans sombrer dans l'apitoiement et la fatalité. On veut leur ressembler même. Mêmes s'ils sont moches et pourris de l'extérieur.

J'ai peur de vieillir parce que j'ai le sentiment que moi aussi je vais me mettre à assimiler le fond et la forme. Que je vais me mettre à croire que je suis encroûtée et bonne à rien parce que le miroir m'enverra l'image d'une femme sur son déclin. J'ai toujours été pas mal superficielle, et ai axé énormément ma valeur sur mon image. Les deuils ont déjà commencé. Et ils augmenteront et s'accéléreront. Vais-je être capable de vivre (et accepter) sereinement toutes les étapes de ma dégradation? Ou vais-je passer le reste de ma vie à me battre contre elle?

Commentaires

Articles les plus consultés