des petits moments de joie pure malgré la souffrance

J'ai la malade coeliaque et les intestins irritables. Je fais pas mal attention à ce que je mange: il va sans dire que tout est sans gluten et cela, depuis 2011. Mon père aussi a la maladie, paraît que c'est héréditaire. Il triche de temps à autre, pas moi. Parfois durant des semaines, des mois même, une simple alimentation sans gluten et sans faire de folie convient parfaitement, c'est-à-dire que je n'ai pas mal au ventre, tout va de ce côté-là, je n'ai pas à m'en faire, je me nourris et puis c'est tout. Parfois, pour aucune raison connue de moi, mes intestins n'en font qu'à leur tête et offrent une panoplie de symptômes plus désagréables les uns que les autres et je le répète, sans raison déterminante. Les spasmes, douleurs, contractions, crampes, gaz, etc. sont mon pain quotidien pour une journée, plusieurs, ou même peuvent durer des semaines et des mois. L'intensité varie au fil des jours, mais il reste que la digestion est pénible. Ça peut survenir n'importe quand et ce n'est pas lié à l'alimentation, parce que je fais toujours très attention et celle-ci est limitée à des aliments non-irritants. 

Je suis dans une phase poche depuis une semaine environ. Hier, c'était vraiment dur. La bouillotte m'a accompagnée toute la journée. Je me suis réveillée encore cette nuit avec des crampes assez intenses, malgré la bouillotte. Ce matin je reçois ma fille à petit-déjeuner. Le bacon, les patates rissolées, les pancakes aux bananes et la salade de fruits ne sont pas ce que j'appellerais un repas de tout repos pour mes intestins fragilisés. Je ne sais pas trop ce que je vais faire. Un très petit peu de tout, peut-être. L'important c'est ma fille. Le reste est superfétatoire. C'est pas mal toujours comme ça pour moi la bouffe. Ça vient après un paquet d'autres considérations dont la gastronomie et la bonne chère ne font pas partie. Je me nourris la plupart du temps pour rester en vie un point c'est tout. Disons que j'essaie de trouver mon bon plaisir ailleurs.

Cette semaine j'étais sur ma bicyclette et j'ai eu une espèce d'épiphanie (c'est souvent lorsque je roule que je ressens davantage les choses, c'est vraiment impressionnant). J'ai ressenti à quel point une vie humaine peut être souffrante, que toutes les vies humaines sont souffrantes, que les beaux moments parfaits sont subjectifs, de pures créations en somme, et que je peux y avoir accès ou non, à cet espace potentiel de grâce ou de création de la grâce je dirais, et que j'ai une responsabilité là-dedans. Souvent c'est une question de disponibilité. C'est choisir malgré tout la grâce. Ça vient avec l'acceptation sans condition de la souffrance, et l'aménagement de la joie, toujours possible, malgré tous les malgré. Les malaises physiques sont innombrables chez moi (le sont-ils plus que les autres je ne le saurai jamais). Je ressens tout de façon intense. Les migraines, les yeux secs, qui coulent constamment lorsque je suis en bicyclette justement, les intestins déglingués, ma côte cassée dans le métro cet automne, ma tendinite avec déchirement de l'épaule rééduquée et guérie heureusement, mon prolapsus de certains organes (...) (j'ai rendez-vous chez le médecin), la fatigue écrasante après des journées harassantes au bureau, le mauvais sommeil, l'acné qui est réapparue (!), depuis quelques mois, le syndrome prémenstruel avec ses high et ses downs, les menstruations intenses, douloureuses, etc. Et c'est sans compter la vie dans une grande ville. Les contacts désagréables avec les gens pressés, aucunement intéressés à être gentils, la folie de la conduite en bicyclette dans des rues hyper achalandées, la pluie, le vent, le froid, etc. Une vie humaine c'est de la souffrance. C'est comme ça. Mon épiphanie c'est ça. On souffre tous. On avance dans la vie et ce n'est pas souvent super agréable. Il y a une panoplie de choses à surmonter. Les relations humaines, les deuils, la solitude, les malaises physiques, le travail éreintant, la vieillesse, etc. C'est normal. Ça fait partie de la game. Mon épiphanie c'est ça. Il peut y avoir la grâce dans tout ça. La joie pure, aigüe, indicible. Jusqu'à ma mort, si je le choisis, si la vie ne m'éprouve pas trop violemment, j'ai accès à ça, plus que je ne peux penser ou imaginer. C'est une question de disponibilité et de gratitude. 

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