s'apitoyer sous une forme articulée
La petite s'en va samedi le 25 mars dans quatre jours. Voilà, c'est dit, ça sera fait, il n'y a rien de plus à dire ou à faire peut-être. Mais je vois ça comme quelque chose de gros, d'impossible à envisager, comme si après ce départ ça sera le vide absolu, la fin de quelque chose qui n'a fait que passer sans rien laisser de tangible. Pourtant, samedi prochain, je me retrouverai probablement à la même table, devant le même portable, à écrire sur moi-même, comme je le fais maintenant, sans que le ciel me soit tombé sur la tête. Ha! Que je suis mal foutue avec mes foutus états d'âme, ma très grande difficulté à accepter que les choses ne soient pas immuables, qu'elles créent un inévitable chaos qui n'en est pas vraiment un, que la vie va, que les choses se passent, qu'il y ait du mouvement, que je n'y puisse rien, et que cela ne donne rien de plus que ce qui fut. Je ne peux rien retenir du temps qui passe, je ne peux pas faire les choses à ma manière dans tous les domaines de la vie, de toute façon je sais à peine vivre, et je le fais si petitement. Et pourtant je l'ai voulu ce départ, je l'ai souhaité, même ardemment. Il me semblait que les choses seraient moins compliquées, dans mon inaptitude à gérer bien le quotidien avec ma fille, si nous vivions chacune de notre côté. Il me semblait que j'étais prête. En fait, ce qui me dérange, ce n'est pas le départ de ma fille, c'est tout ce qui vient avec. Mon sentiment d'inaptitude. Ma solitude prochaine que j'assimile à la solitude extrême de mes 20 ans que je n'ai pas su bien gérer à l'époque. Le grand appartement vide. Les charges trop lourdes et ma recherche d'un nouveau logis moins onéreux. Les changements à ma vie, inévitables. Ou l'absence de changement aussi, jusqu'à ma mort, peut-être. Le courage d'accomplir les choses considérées si désuètes qu'il pourrait me manquer. L'envie d'avoir du courage pourrait me manquer. Pour qui, pour quoi aurais-je du courage. Que vais-je faire du reste de mes jours. S'il ne reste rien de ce qui a été vécu, que puis-je attendre du temps à venir, qui ne laissera rien de plus que ce fameux instant présent qui est une monumentale farce pour une époque sans repères, ne retenant rien des leçons du passé et craignant un futur inimaginable. Il me semble que j'ai fait le tour de la question, que j'en ai assez vu, que cela me répugnera peut-être d'en voir davantage. Ça pourrait finir maintenant, avec le départ de ma fille, et ma contribution à la continuation de l'espèce aura été assurée, point de vue biologique j'entends. Que me reste-t-il à donner. Est-il nécessaire de donner pour se sentir utile. Est-il nécessaire de se sentir utile. Sera-t-il répugnant de seulement vivre pour vivre, parce qu'on est né, et que c'est dans l'ordre des choses de vivre pour vivre pour vivre pour vivre. L'idée de mourir va-t-elle m'envahir complètement lorsque l'idée de mon utilité ou de mon inutilité me submergera sans que l'une ou l'autre de ces avenues me semblent valables. J'en ai tellement ma claque de ruminer. Et pourtant je ne suis pas au début du quart d'une réflexion valable à mes yeux. Que de l'apitoiement.
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