l'amour plus important que tout

J'ai peur de tomber dans la dépression comme ma prédécesseure l'a vécu à mon bureau. En avril 2009, un matin, puis deux, trois, quatre autres matins, elle appelait et me disait: "Je ne suis pas capable de rentrer au bureau ce matin, juste y penser et je me sens malade". Et elle n'est plus jamais revenue, sauf pour récupérer ses effets personnels que j'avais placés dans une boîte. Sa carrière s’est terminée comme ça, en queue de poisson. Ses vieux calepins et des souliers élimés et une veste mille fois portée dans une boîte de carton réutilisable. Ensuite, je ne l'ai plus jamais revue. Cela ne m'a pas fait un pli sur la différence parce que je ne l'aimais pas, même après les cinq années que nous avons travaillé ensemble.

La transition s'est faite au moment de son départ, je me suis occupée du fonctionnement du bureau et ai assumé. Plus tard, j'ai réussi l'examen qui m'a permis d'occuper le poste officiellement. Depuis ce temps, je fais ce travail. J'ai perdu tous les échelons que j'avais gravis comme adjointe, je suis repartie de zéro et maintenant je rêve du moment où je pourrai enfin avoir un salaire décent. Cela arrivera-t-il jamais? Il me reste 4 échelons pour obtenir le maximum à l'échelle salariale liée à mon poste. Quatre ans. La prochaine augmentation aura lieu en novembre de cette année. J'en rêve. Il me semble que, même si le fait d'aimer son travail est absolument primordial, être rémunérée adéquatement fait partie des choses importantes, surtout dans les circonstances actuelles où je perds mon adjointe. Et où je me sens comme mon ancienne patronne, vidée de toute énergie et enthousiasme pour mon travail.

Je crois que je ne fais pas ce que je dois faire pour être bien dans ma peau. Je fais mes petites choses en ayant en tête l’obligation morale de maintenir à flot ma santé mentale, physique et spirituelle, mais il semble qu’il manque quelque chose. J’essaie toujours d’être courageuse et à la hauteur. De donner de ma personne de façon correcte, stable et civilisée, policée et respectueuse des autres et de mon environnement. Il manque quelque chose. La joie?

C’est le lien au monde peut-être. Le sentiment de faire partie d’un grand tout et que sa propre personne est utile et importante, pas seulement pour sa contribution en tant que mère ou en tant que travailleuse rémunérée, mais en tant qu’être humain, tout simplement et complètement. Ce n’est pas tout à fait ça non plus. Je crois que je suis devenue une adulte. Et qu’il y a trop de souffrance humaine pour que je me laisse aller à la joie. Mais ça non plus ce n’est pas tout à fait juste je crois.


Il me manque quelqu’un à aimer. Cette joie pure d’aimer et d’être aimée en retour. C’est ça qui manque. Cette joie-là. Pure sublimation du moi. Pur enchantement. Est-ce que je vais mourir sans avoir vécu au moins une dernière fois l’extase de l’amour?

Commentaires

Articles les plus consultés