quand une alcoolique n'atteint jamais vraiment son bas-fond mais vit misérablement

Je ne suis pas allée faire un meeting AA hier midi. Des clients enragés à gérer et plein de boulot m'ont découragée de sortir au froid humide et venteux d'un hiver qui ne finit pas; j'ai annulé et je n'en suis pas fière. J'exerce une espèce de forme de "ghosting" avec M., et dans mon for intérieur, j'aimerais qu'elle aille voir ailleurs si j'y suis (...). Je suis comme prise avec l'idée que je pourrais la "sauver", et le découragement de constater qu'il n'en est rien. C'est d'elle et seulement d'elle que surgira l'élan de vie, genre. Et moi, depuis les derniers mois, je me suis absentée plus qu'il ne faut des meetings. Je sais pertinemment que cela m'est préjudiciable. Je n'ai rien ni personne qui me motive assez à en faire. M., elle, est toujours en rechute. C'est décourageant, et les quelques germes de bon sens dans sa pauvre tête de fausse intellectuelle-artiste-poète ratée sont ravagés par la folie de l'alcool. Elle n'est jamais vraiment lucide, même si physiquement elle a de l'attrait et semble top shape. C'est comme si son existence n'allait pas dans le sens de la vie, mais s'inscrivait dans un espèce de tableau impressionniste où chaque jour une nouvelle couleur complètement différente de celle de la veille apparaissait. Il n'y a pas de suivi, pas de logique, pas d'objectif, et...pas de guide (moi genre). Lorsque je lui parle, elle semble comprendre et assimiler. Mais finalement, quelques heures plus tard, elle se sabote, se replonge dans la félicité des vapeurs d'alcool, s'immerge allègrement dans son vice, le vin blanc. Souvent, elle invite chez elle des hommes qui la dégoûtent, le lendemain elle crie au secours. Elle maudit ces hommes qu'elle a elle-même fait entrer dans son antre sacrée (son petit studio), et passe les journée qui suivent à les haïr, les blâmer, les castrer en pensée, et les germes d'un féminisme extrême refont surface, celui de la haine des hommes. Tout ceci est consternant, et n'a pas une once de bon sens. Je suis vraiment tannée d'entendre ses jérémiades. J'ai l'impression de perdre mon temps avec elle, et de lui faire perdre son temps. Dans le fond, maintenant, la meilleure chose qui pourrait lui arriver serait un bon vieux bas-fond total, qui l'amènerait à induire l'implosion de son ego malade, et lui faire ressentir profondément qu'elle est foutue. C'est l'état d'esprit qui permet au mode de vie spirituel de faire son chemin. Quand on n'a plus rien à perdre et qu'on a perdu tout espoir. C'est à ce moment-là qu'on ferme sa gueule et qu'on écoute ce que les gens qui s'en sont sortis ont à exprimer. Elle n'est vraisemblablement pas rendue là. Et en attendant, je ne sais pas trop quoi faire d'elle, ou avec elle. Et moi, concernant la gestion de ma sobriété, je n'ai pas de leçon à lui faire, loin s'en faut. Je suis un très piètre exemple de vie éclairée. Je n'ai jamais fait aussi peu de meetings depuis que j'ai arrêté de boire. Et toutes les raisons que je me donne ne sont peut-être que les manifestations de mon ego malade. Je ne sais pas.

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