SUDOKU

Être soi toute sa vie. Personne d'autre, et jamais ailleurs qu'ici. Toute cette biologie derrière chaque petit ou grand destin. Faire sa marque, marquer son territoire. Être banal, ou tout croche, ou vraiment con mais sans le savoir. Se penser autre, ou ailleurs, ou vouloir fuir, un peu, ou tout le temps. Se disperser, se perdre, mais où.

Vraiment tous ces mots. Il faut que j'en aie du temps à perdre. Qu'est-ce que je pourrais bien faire pour me donner un répit (de l'ennui). Un meeting AA? Pas envie. Pourtant, c'est si bon. Même les caves ont l'air moins caves lorsqu'ils réussissent leur abstinence d'alcool. Comme un truc que les autres malchanceux n'ont pas capté. Donc dans AA on écoute les cons avec avidité pour comprendre leur truc. Les cons disent parfois des trucs extraordinaires. Et parfois ce sont les yeux ou les mains ou le corps tout entier qui parle. Moi, dans AA, je dis des choses folles, absurdes, je crée des scènes et je m'arrache les cheveux. Et bien, la semaine suivante, on m'accueille comme l'enfant prodige. AA c'est vraiment pour les faibles et les éclopés. Du bon stock, ça oui. 

Au bureau je n'ai rien à foutre cette semaine. Une fois n'est pas coutume. Je fais faire des tâches absurdes à mon adjoint pendant que je m'échine sur des sudokus infaisables, que je ne me lasse pas de vouloir réussir à tout prix. Chacun son trip. Qui a dit que la vie n'était pas absurde?