POUBELLES CÉLESTES

Moi, je ne veux pas vivre dangereusement. Moi, c'est zéro risque. C'est ce que je disais à la petite dans le temps. C'est pour ça que j'ai arrêté de boire. Trop risqué pour les autres.

Finalement, je me rends compte qu'avec ma mentalité, on ne va pas loin. 

Boire la coupe jusqu'à lie, c'est mieux, non? Je bois beaucoup d'eau, genre trois à quatre litres par jour. Je pisse souvent. C'est transparent, j'aime ça la propreté de mon intérieur. Immaculé. Comme si je faisais quelque chose d'essentiel. C'est pour ma réputation.

Je préfère jeter des choses, dans les poubelles, ou pour les pauvres. Garder très peu, par précaution, et paranoïa. Pas de traces, donc présumée innocente. Pure genre.

Et puis j'adore qu'on me donne du bon stock, que je jette lorsque c'est de la merde. En général je me sépare du bon stock mais les gens me donnent leurs restants qui sont une avanie pour mes poubelles. Alors je n'accepte plus rien, ni cadeau ni restes. Il y a trop de stock sur la planète. Je commence à avoir honte de mes poubelles, même lorsqu'elles sont écologiquement acceptables pour le commun des mortels.

J'ai un ami qui me donne de la bouffe bio. En ce moment, un énorme morceau de saumon rouge sauvage dans le four qui empeste l'appartement. J'en ai pour au moins trois jours (avec du riz, du Tahini et de la sauce soya). Les bananes, je les digère à peine. Alors, je les mets à la disposition de mes collègues de bureau. Comme les dattes bio de la semaine dernière, indigestes et pas top comme goût dans le fond. Khadija les aime bien. Ça lui fait tout un cul, à force.

Moi, mon rêve, c'est la transparence et le vide. La fuite aussi. L'intraçabileté comme mode de vie. Une personne privée. Hautement recommandable, mais sans fond. Pas fiable dans le fond. 

Mes restes ne sont pas à voir. Mes journaux personnels ne sont pas encore détruits. Chaque jour, je pense m'en débarrasser. Les brûler ou autre. Je tergiverse, c'est quand même ma vie là-dedans.

L'évacuation des déchets de mon corps est un problème. Comme pour toutes les personnes de mon genre, je suppose. 

Bref, tous ces mots, pour passer mon vingt-quatre.

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