j'ai peur pour ma fille

Ma fille m'inquiète. Comme quoi sous des dehors détachés, au-dessus de ses affaires, il y a des vertiges souterrains qui l'interpellent. Elle sent qu'elle a perdu le contrôle, lors d'une soirée bien arrosée, et maintenant, trois mois plus tard, elle subit un ressac monstrueusement impressionnant de l'événement (black-out) et ses éventuels gestes déplacés. Gestes purement hypothétiques en passant. Je me sens impuissante là-dedans, parce que tout ça m'apparait complètement en-dehors de ma compréhension (et qu'en gros, il ne s'est rien passé...). Pour vrai, de toute ma vie, je n'ai jamais eu le sentiment de perdre le contrôle au point de sentir la folie me submerger. J'ai de la difficulté à me mettre à sa place. Surtout que, dans mon cas, les erreurs de jugement, les gaffes, les conneries avec conséquences dramatiques pour moi, il y en a eu. Lors de mes black-out notamment. Et les conséquences étaient réelles, et épeurantes. Il a fallu que je gère, et ce n'étaient pas des fantômes, ou les fruits de mon imagination.

Je ne crois pas que je sois nécessairement la meilleure interlocutrice pour elle, parce que j'ai tellement peur pour sa santé mentale que je serais prête à l'envoyer voir n'importe quel docteur, prendre n'importe quelle pilule pour qu'elle arrête de souffrir maintenant. Genre thérapie EMDR, que ma soeur a déjà faite et qui lui a fait un bien fou (aux dernières nouvelles, mais ça fait quelques mois que je ne lui ai parlé). Le problème, c'est que ma fille se bat contre du vent et c'est ça qui m'inquiète, c'est cette obsession, ce néant contre lequel elle se heurte. Elle est en train de s'inventer des scénarios catastrophes et ne semble plus vraiment en mesure de se battre contre ça. Mon départ pour Paris me semble inopportun dans les circonstances. J'ai peur qu'elle lâche tout et fasse une connerie. Déjà qu'elle a quitté son travail au bar (justement pour contrer des feelings désagréables qu'elle ressent face à cette soirée "désastreuse"). Elle se sent complètement inappropriée face à son amoureux. Et si elle décidait de trancher dans le vif et de le quitter?

soir
j'ai parlé à ma fille tantôt du bureau de 16 à 18 heures. Bonne conversation. Pour aujourd'hui, elle devrait aller. Demain, elle va voir un médecin que je lui ai trouvé. Je vais l'accompagner, parce que c'est ce qu'elle désire.

note
Je suis super de mauvaise humeur, contrariée. Pourquoi? Parce qu'on me gâche la préparation sereine de mon voyage? Parce que je n'ai pas le contrôle de ce qui va se passer? Parce que ma fille n'est pas à la hauteur de ce que je pensais d'elle, de ses forces et potentiels et que je suis déçue? Parce que j'ai diminué Celexa et que je suis en sevrage? Parce que je vais peut-être perdre mon adjoint au bureau parce qu'il n'obtiendra semblablement pas le salaire auquel il s'attendait?

Je viens de souper, de torcher le plancher, de me laver le visage et de le crémer, et de me brosser les dents. Dans 20 minutes, je serai dans mon fauteuil de lecture pour finir "Mémoire de fille" d'Annie Ernaux avec une bonne tisane au gingembre frais. Une certaine forme de bonheur domestique. Mais quand même, mes feelings par rapport à ma fille sont pathétiques, j'ai un peu honte, mais si peu. Je n'ai juste pas de coeur, et de ça, je ne peux me culpabiliser, je peux juste faire ce que j'ai à faire pour augmenter mes potentialités d'expression de ma spiritualité, qui passe bien sûr par la pratique du Programme des 12 Étapes et la fréquentation des salles de meeting d'Alcooliques Anonymes.

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