la mort de ma mère et autres

Hier j'ai travaillé sur un projet au bureau, je me suis vraiment concentrée, malgré qu'intellectuellement je sens toujours mon cerveau un peu rouillé, un peu encrassé et paresseux, avec de faibles capacités à réfléchir en profondeur (c'est comme s'il y avait un blocage à un moment donné, comme si je sentais vraiment mes limites et que je ne pouvais pas aller plus loin malgré tous mes efforts),  mais cela a toujours été comme ça, no matter what. Je considère avoir une intelligence très moyenne, avec des limites émotionnelles marquées lorsque je ne prends pas soin de moi spirituellement. Néanmoins, hier, avec ce travail qui était une ébauche et qui m'a permis d'expérimenter une espèce de "flow" (fondamentalement, le flow se caractérise par l'absorption totale d'une personne dans son occupation (Wikipédia)), j'étais satisfaite, j'avais le sentiment d'avoir fait du bon travail jusqu'au moment de mon départ pour la maison. Pour une raison que j'ignore, mon cerveau a été littéralement et spontanément submergé par des pensées auto-destructrices du genre: "Je suis une mauvaise personne, je ne vaux rien, je suis une merde, etc.", accompagné d'un vide intense, d'une insatisfaction générale, très prenante. Et ce, de façon tout à fait inopinée, sans que je n'aie rien fait, et sans événement particulièrement déclencheur (à part que j'ai été froide, grinçante et sèche avec mon adjoint, ce que j'ai regretté ensuite). Je crois que c'est parti de là. Mon énergie avait été concentrée sur un travail intellectuel de réflexion, et lorsque je suis sortie du "flow", mon être intime s'est manifesté avec force, comme si il avait été négligé et prenait sa revanche (...).

C'est maintenant que je constate, de jour en jour davantage, les effets de ma carence de meetings AA ces derniers mois, cette diminution de mon engagement envers le lien entre mon moi intime et ma puissance supérieure. Ça commence à être inquiétant. Je devrais être fière et satisfaite de mon travail, et au contraire, je suis submergée par la très fameuse et connue et expérimentée mille fois nausée face à ma propre personne. Cela n'a pas de sens, mais c'est du connu, et je sais comment y remédier. Je ne suis pas une machine. Si je néglige l'aspect affectif et spirituel de mon être, la haine de moi-même apparait. Pourquoi cela? Je n'en ai aucune idée. Mais je répète que j'ai des outils pour y remédier, genre.

J'ai offert hier des fleurs à ma mère pour sa fête. Elle a eu 79 ans. Lorsqu'elle est née, en 1939, Hitler, Staline, Chamberlain et Roosevelt, Mackenzie King et Maurice Duplessis étaient au pouvoir (...). La deuxième guerre mondiale allait commencer quelques mois plus tard (...). C'était un autre âge. Depuis ce temps, la vie terrestre a complètement changé. Nous ne sommes pratiquement plus les mêmes humains. Ma mère a vécu une autre vie que la mienne. Son existence est un témoignage de la vie des femmes du Québec à une époque où tout était différent. Les femmes n'ont eu le droit de vote au Québec qu'en 1940. Cela n'a été que plus tard que celles-ci ont pu obtenir une autonomie complète de leurs finances, et avec la pilule (1960), la décriminalisation de l'avortement (1988), et tout un tas d'autres choses fondamentales dans une société libre et égalitaire, nous sommes, en 2018, une des sociétés les plus justes envers les femmes. À 48 ans, j'ai une totale autonomie dans tous les domaines de ma vie, je peux faire ce que je veux de mon corps, de mon temps, de mes idées, de mon argent, de mon âme. Je suis libre. Ma mère ne l'a pas été comme moi. Plus le temps passe, et plus je l'aime et la respecte pour tout ce qu'elle est, n'est pas, et reste. Elle n'est ni meilleure ni pire que moi. C'est une femme, c'est une comme moi, c'est ma mère. Je ne veux jamais entendre parler de sa mort. Cela ne peut pas arriver. Pourtant, j'y pense.

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